Peut-être avez-vous déjà croisé notre poupée d’empathie se trouvant à l’unité protégée et cela vous a sans doute interpellé...
Les poupées d’empathie sont des outils thérapeutiques, permettant l’apaisement de certains troubles du comportement des personnes souffrant de maladie neurodégénératives (type Alzheimer). De nombreuses études scientifiques ont révélé leurs bénéfices, et voici leur secret... Elles agissent comme des objets transitionnels, au même titre qu’une peluche pour un enfant.
Mais alors qu'est qu'un objet transitionnel ? Ce terme a été créé par Daniel Winnicott, il désigne un objet qui permet de gérer les angoisses pendant l’absence des parents. Chez un nourrisson, le cerveau n’est pas suffisamment mature pour se représenter en mémoire les objets vivants en leur absence. Alors, lorsque le parent sort du champ visuel, pour le nourrisson c’est comme s'il disparaissait. Un objet dit transitionnel lui permet d'attendre le retour de l'objet d'Amour (père ou mère) et de l’apaiser en leur absence.
En quoi cela concerne les résidents de l’unité protégée ?
Parce que dans les maladies neurodégénératives, il arrive parfois que cette fonction d'"imaginer les objets en leur absence" soit lésée. Donc dès que je suis seul(e), je peux revivre l'angoisse primaire comme le nourrisson, et me sentir abandonné, perdu, seul au monde... Certains crient "Maman", "au secours" pour calmer leur angoisse. Les poupées d’empathie peuvent avoir la fonction de pallier l’absence de l’être aimé.
Les poupées ont une texture douce et agréable et elles sont lestées. Les poser sur ses genoux ou les prendre contre soi est un geste connu, rassurant, qui réveille des souvenirs de parentalité et/ou des émotions perdues. Ces ressentis canalisent les troubles et permettent de lâcher prise et de se détendre. Le fait de tenir contre soi la poupée favorise un sentiment de bien-être global, qui se prolonge au-delà de cet instant.
Quand une personne prend une poupée empathique dans ses bras, le premier réflexe est parfois de lui parler, lui chanter une berceuse... Cela arrive même à des personnes mutiques, replier sur elles-mêmes. Cet outil permet d’encourager la verbalisation mais aussi les interactions avec les autres personnes. La personne peut présenter la poupée aux autres résidents ou au personnel soignant par exemple, racontant ce qu’elles viennent de faire ensemble, recréant un lien social qui peut se prolonger sur d’autres sujets. Les autres résidents sont parfois curieux et s’approchent plus facilement.
Une personne qui prend une poupée empathique la prend aussi symboliquement en charge. Elle peut se sentir responsable de la poupée, elle peut lui parler, la promener, la changer, la mettre au lit. Tout cela peut lui redonner confiance en ses capacités et valoriser son estime de soi. Elle permet de sortir d’une posture de dépendance et responsabilise la personne à « prendre soin de »
Précisons que l’idée n’est pas d’infantiliser la personne en la faisant jouer à la poupée. Nous ne cherchons pas non plus à la duper en lui faisant croire que c’est un vrai enfant. La poupée à volontairement un visage naïf et non réaliste. C’est la personne qui entreprendra ou non une interaction avec la poupée et qui y projettera ce qu’elle y souhaite. Cependant, si elle pense que c’est un vrai bébé, nous ne la contrediront pas, car c’est que cela a du sens pour elle.
La poupée d’empathie n’est jamais imposée et sa présentation doit être réfléchie au regard de l’histoire de vie du résident. Certaines personnes peuvent ne pas apprécier et rejeter les poupées, nous devons le respecter.
Carla SUNSERI, psychologue de la résidence Blanqui